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Consultations sur RDV

DIARRHEE CHRONIQUE CHEZ UN CHAT

Rédacteur Dr CAILLOUX Guillaume, Vétérinaire, diplômé du CEAV de Médecine Interne

DESCRIPTION ET HISTORIQUE

  Un chat européen mâle castré de 14 ans est présenté pour des épisodes récurrents de vomissements et de diarrhée depuis plus de 4 mois. Il est correctement vacciné et vermifugé, il mange un aliment sec de grande surface agrémenté d’un aliment humide occasionnellement. Son appétit est conservé, mais il a perdu 1,3kg en 1 an. Aucune anomalie n'a été mise en évidence par son vétérinaire traitant aux examens biochimiques plasmatiques et radiographiques abdominaux. Plusieurs traitements symptomatiques ont été prescrits (kaolin, amoxicilline, atropine/sulfaguanidine /framycétine) qui ont eu un effet positif mais toujours avec une récidive des troubles digestifs.
 
 

EXAMEN CLINIQUE

Le chat est amaigri, il pèse 3,8kg, son IEC est de 3/9, son poil est piqué, son anus est irrité. On note une légère gingivostomatite. Aucun nodule n’est détecté à la palpation de la région cervicale. Son abdomen est souple mais les anses intestinales apparaissent épaissies et rigidifiées avec un contenu mixte liquidien/aérique, les nœuds lymphatiques mésentériques ne sont pas palpables.
 

HYPOTHESES DIAGNOSTIQUES

    Une origine métabolique est à rechercher prioritairement chez un chat âgé (hyperthyroïdie, insuffisance rénale, cholangite chronique, pancréatite chronique), une origine parasitaire (giardiose) ne peut être exclue enfin une hypersensibilité alimentaire est envisagée, même si elle concerne généralement des chats d’âge moyen. Une fois exclues les affections extra-digestives une entéropathie avec infiltration inflammatoire (MICI) ou tumorale (lymphome digestif à petites cellules)doivent être recherchées.
 
 

EXAMENS COMPLEMENTAIRES


Exclusion des causes extra-digestives.

Biochimie plasmatique / thyroxinémie

Seule une légère élévation de la protidémie est présente.
 

Analyse d’urines

Aucune anomalie n’est détectée, la densité urinaire est égale à 1,060.
 

Spec-fPl

Le test rapide ne met pas en évidence de cytolyse pancréatique.
 

Coproscopie parasitaire, test ELISA Giardia

Aucun élément parasitaire n’est visible, le test Giardia est négatif.
 

Changement alimentaire / antibiothérapie

Un aliment hyperdigestible / hypoallergénique (Hypoallergenic©, Royal Canin) est prescrit initialement à raison de 60g par jour répartis en 3 repas ainsi qu’une antibiothérapie (doxycycline, 5mg/kg BID 15j). Deux épisodes de 3 jours de vomissements-diarrhée sont survenus dans les 3 semaines durant lesquelles ce traitement a été prescrit. Ceci a permis d’exclure une diarrhée répondant à un changement alimentaire / aux antibiotiques.
Une MICI ou un lymphome sont alors suspectés.
 
Localiser / caractériser les atteintes digestives.
 

Echographie abdominale

On remarque un épaississement diffus de la paroi de l’intestin grêle (4mm en moyenne, norme 2-2,5 pour duodénum-jéjunum), par endroit on ne distingue plus la structure en couche et quand elle est visible la couche musculeuse est nettement épaissie. Les nœuds lymphatiques mésentériques ne présentent pas d’anomalie.
 
Echographie de l'intestin montrant un épaississement sévère de la paroi. (Clinique Vétérinaire de Bellevue)
 

Laparotomie exploratrice

Une laparotomie exploratrice est réalisée en vue de pratiquer des biopsies de l’intestin, des nœuds lymphatiques et du pancréas. L’intestin grêle apparait épaissi et rigide.
 

Histologie de biopsies digestives

On note une infiltration transmurale digestive d’une population lymphoïde mature, une hyperplasie corticale ganglionnaire, et l’absence de lésion pancréatique. La muqueuse n’est pas visible sur les coupes.
 
 Coupe Histologique de la paroi de l'intestin montrant une infiltration diffuse par de petits lymphocytes tumoraux.
(Laboratoire d'histopathologie d'ONIRIS)
 

DIAGNOSTIC

   Notre chat est donc atteint d’un lymphome digestif à petites cellules.
 
 
 

PRONOSTIC

    Le pronostic est réservé à court terme, et dépend de la réponse au traitement initial.
 
 

TRAITEMENT ET SUIVI

    Un traitement associant la prednisolone (2mg/kg/j PO) et le chlorambucil (20mg/m²/15j PO) est instauré, avec un suivi de l’hémogramme tous les 15 jours. Un aliment hyperdigestible est prescrit (GastroIntestinal©, Royal Canin), ainsi qu’une vermifugation (fenbendazole 50mg/kg/j 5j PO) et une supplémentation empirique en vitamine B12 (250µg SC/semaine 6 semaines). L’état général s’améliore rapidement mais persistent des épisodes de diarrhée (1 à 2 par semaine) traités avec du kaolin PO. En 3 mois il reprend 1,1kg, son état corporel est jugé correct. Son poids se stabilise ensuite à 4,1kg. Puis les propriétaires ont décidé d’administrer le traitement à la maison. 24 mois après notre patient se porte bien et continue à prendre son traitement.
 

DISCUSSION

    Initialement les causes extradigestives sont recherchées au travers d’une démarche d’exclusion. Une fois exclues les causes extra-digestives les deux principales hypothèses sont une MICI et un lymphome digestif à petites cellules. Il est important de les différencier car le pronostic du lymphome est moins bon [2] et nécessite un traitement spécifique. Ces deux affections sont cliniquement semblables [3], les chats atteints de lymphome sont généralement plus âgés (médiane 13 ans [4]) que ceux atteints de MICI (médiane 9 ans [4]).
Notre chat présentait un épaississement de la musculeuse à l’échographie, une étude a montré que cette anomalie représentait un risque significativement plus élevé d’être associée à un lymphome qu’à une MICI ([OR]=18,8). En revanche même s’il semble que lors de lymphome une lymphadénopathie mésentérique soit plus fréquente que lors de MICI cette différence n’est pas statistiquement significative [4]. Une autre étude plus générale a par ailleurs conclu qu’il n’y avait pas de corrélation entre le résultat de l’échographie et le diagnostic histologique [3]. L’examen histologique est donc incontournable.
    Les lésions pariétales digestives diffuses et celles concernant l’estomac, le duodénum, le colon voir l’iléon sont classiquement abordées par endoscopie, alors que les lésions jéjunales nécessitent un abord chirurgical. La morphologie et la localisation épithéliales des lymphocytes (L) est relativement similaire entre lymphome et MICI, c’est la topographie de l’infiltrat qui permet de les différencier en microscopie optique : la formation de nids (>5L agglutinés), de plaques (>5 cellules adjacentes avec L) intra-épithéliaux, ainsi qu’une infiltration profonde au-delà de la muqueuse sont des éléments majeurs en faveur d’un lymphome [2]. Pour évaluer l’étendue de l’infiltration il est important de disposer de biopsies suffisamment profondes, ce qui n’est en général pas le cas des biopsies endoscopiques, qui dans une étude ont conduit à des diagnostics erronés dans 4 cas sur 9 de lymphomes de l’intestin grêle [2]. Pour cette raison nous avons opté d’emblée pour des biopsies chirurgicales. L’immunohistochimie peut aider à différencier les cas litigieux, en effet 98% des lymphomes sont de type T prédominant [4] alors que l’infiltrat est plutôt mixte dans les MICI, enfin un test de clonalité par PCR établit l’origine clonale du lymphome et peut venir compléter les examens histologiques. L’apparition de ces tests a permis dans une étude de reclasser 29% des MICI en lymphomes [4].

    Une association prednisolone-chlorambucil est utilisée pour traiter les lymphomes digestifs à petites cellules du chat. Les différents protocoles permettent une survie médiane respectivement de 567j / 704j et 786j avec 76% / 95% et 96% de rémission clinique [5, 1 et 6]. Le seul facteur pronostic de survie est la réponse au traitement (survie médiane de 897j en cas de réponse complète contre 428j si partielle) [1]. La présentation clinique, la localisation anatomique et l’extension n’ont pas d’influence significative [1]. Nous avons utilisé le protocole décrit par Stein qui présente l’avantage de meilleures survie et réponse thérapeutique [5] et qui permet aussi l’administration du chlorambucil à la clinique tous les 15 jours.
 
 

BIBLIOGRAPHIE

1-    Kiselow MA, Rassnick KM, McDonough SP, Goldstein RE, Simpson KW, Weinkle TK et al. Outcome of cats with low-grade lymphocytic lymphoma: 41 cases (1995–2005). J Am Vet Med Assoc. 2008;232:405–410
2-    Kiupel M, Smedley RC, Pfent C, Xie Y, Xue Y, Wise AG et al. Diagnostic algorithm to differentiate lymphoma from inflammation in feline small intestinal biopsy samples. Vet Pathol, 2011, 48:212-222
3-    Evans SE, Bonczynski JJ, Broussard JD et al. Comparison of endoscopic and full-thickness biopsy specimens for diagnosis of inflammatory bowel disease and alimentary tract lymphoma in cats.Jam Vet Med Assoc2006;229:1447–1450
4-    Zwingenberger AL, Marks SL, Baker TW et al. Ultrasonographic evaluation of the muscularispropria in cats withdiffuse small intestinal lymphoma or inflammatory bowel disease. J Vet Intern Med, 2010;24:289–292
5-    Stein T, Pellin MK, Steinberg H et al. Treatment of feline gastrointestinal small-cell lymphoma with chlorambucil and glucocorticoids. J Am AnimHosp Assoc. 2010;46:413-417
6-    Lingard AE, Briscoe K, Beatty JA, Moore AS, Crowley AM, Krockenberger M et al. Low-grade alimentary lymphoma: clinicopathological findings and response to treatment in 17 cases. Journal of FelineMedicine and Surgery. 2009, 11, 692-700